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Exposition temporaire : Ethel Buisson, "Grand-père, comment t'appelles-tu ?"

Exposition Ethel Buisson au Mémorial de la Résistance en Vercors

Date : du 1er août  jusqu’au 31 mars 2024.

Vernissage : vendredi 4 août à 16h30 au Mémorial, en présence de l'artiste.

Tarif : prix d'entrée au Mémorial

Tout public

 

L'exposition retrace l'itinéraire qu'Ethel Buisson a effectué pour suivre le parcours de son grand-père, dont elle a découvert le prénom en le lisant pour la 1ère fois sur le mur des noms du mémorial de la Shoah.

Un parcours photographique et sonore qui retrace l’histoire de Srul Ruger, de Varsovie à Paris jusqu’à Auschwitz ainsi que la fuite de sa grand-mère Chuma et de sa mère Agnès depuis leur évasion du Vel-d'Hiv en juillet 1942 jusqu'à Méaudre. Aujourd'hui, l'école d'Autrans-Méaudre porte le nom d'Agnès Buisson.

 

Une exposition revisitée

Présentée pour la première fois en 2016 à la mairie du 9e Arrondissement de Paris, Ethel Buisson l'a depuis revisitée et complétée par un nouveau voyage à Auschwitz en septembre 2022.  En parallèle elle a travaillé sur un deuxième opus qui la guide cette fois-ci au travers de la France jusque dans le Vercors, terre de résistance où sa mère et sa grand-mère se sont cachées il y a 80 ans.  Les deux volets se répondent et sont montrés dans des espaces conjoints du Mémorial.

"Le traumatisme lié à la disparition de mon grand-père m’empêchait jusqu’à peu de poser cette question à mes proches et à moi-même. Je ne connaissais son prénom ni en hébreu, ni en yiddish. Son trajet était imprécis. L’idée de m’adresser à lui, impossible. Alors j’ai voulu reconstituer l’itinéraire de sa disparition, photographier les endroits où les faits se sont déroulés et enregistrer les sons ambiants, 70 ans après, à dates et heures précises, reconstituant ainsi « un souffle de vie ».

J’ai mené une enquête dans l’espace et dans le temps pour tenter de comprendre. Visiter les scènes du crime, prélever toutes les empreintes laissées, comme un moulage de l’absence et tenter d’impressionner le film argentique par l’invisible. Prendre le temps de vitesse avant qu’il ne me rattrape, capter les images et les sons, ces riens du tout…"

 

Et depuis 2022,

" J’ai suivi le trajet de figures familiales, pas à pas, sur les lieux des exactions et traumatismes, aux dates anniversaires. J’ai inventé un dispositif commémoratif patient, par la photographie réalisée à la chambre, trépied et procédé argentique, doublé d’une captation sonore. En m’appuyant sur les récits familiaux et les archives je me suis autorisée et obligée à prendre rendez-vous avec l’histoire et la géographie à date spécifique.

L’acte photographique est venu concrétiser la prégnance des lieux avec le dépôt du voile de la mémoire sur le paysage.

Les reconstitutions spatio-temporelles du calendrier familial viennent à leur tour prendre place dans les espaces du mémorial et font écho à son architecture et au site. Elles tentent de traduire par la scénographie et le récit l'expérience traversée."

Ethel Buisson

 

Un parcours initiatique

"Srul RUGER, qui es tu ?

Le chemin pris pour connaître mon grand-père s’est apparenté à un parcours initiatique, avec ses obstacles, ses pièges, ses énigmes, ses dragons, ses fantômes, riche de rites de passage et d’enseignements.

Plusieurs voyages ont été menés en Pologne pendant dix-huit mois environ, documentés sous forme photographique et artistique au fort contenu mémoriel. Le prétexte de photographier les sites aux dates anniversaires s’est transformé rapidement en une expérience à vivre. L’observatrice hébétée que j’étais devenait actrice, un curieux personnage à 6 pattes, affublé d’un trépied et d’une perche. Le parcours intime de la tragédie collective a matérialisé puis ritualisé la rencontre avec Srul Ruger. Sans quoi, mon grand-père serait définitivement mort, assassiné par l’histoire, oublié par la mémoire, inconnu de moi.

Le portrait de famille posé sur le guéridon de la chambre parentale ne produisait chez moi qu’un minuscule écho. Autour de lui, le silence, un mélange confus entre colère et tristesse infinie. Qu’avais-je comme éléments ? Son épouse Chuma et lui avaient eu trois enfants, Victor, Céline morte de maladie soudaine à deux ans et Agnès ma mère. Il avait osé défier ses parents et se marier sans leur approbation, puis quitter le quartier Nalewki de Varsovie pour vivre à Belleville avec sa femme. Lui, le fils de Zwi, dont l’entreprise familiale de carnets leur assurait une vie décente.

Ses métiers : relieur d’art dans les confins orientaux de la Pologne, imprimeur à Varsovie, maroquinier à Paris. Il savait manier cuir, aiguille, papier, cahiers, caractères d’imprimerie. En Pologne, il était fin réparateur de machines d’imprimerie, connaissait cinq langues et trois alphabets.
Il a suivi sa femme qui craignait l’antisémitisme. Puis honteux de sa situation précaire à Paris, parlant mal le Français, Srul s’était enfermé petit à petit dans le silence, n’ayant pu s’adapter à sa nouvelle vie en France.

 

La mise en chemin

"Grand-père, où vas-tu ?


L’anniversaire des 70 ans de la rafle du Vel d’Hiv m’est apparu comme un spectre. Lieux, dates, personnages et événements se confondaient dans un brouhaha inaudible. Dans un sentiment d’urgence absolue, munie de documents du Centre de Documentation Juive Contemporaine et des archives françaises et polonaises, avec l’aide précieuse du cercle de généalogie juive, de cartes extraites de google maps, d’un programme et d’un calendrier strict, je me suis mise en chemin.

(...) A défaut de généalogie, je traque les lieux, la géographie, la topographie, la toponymie. Me cacher pour voir et entendre ce qu’il m’est impossible de voir et d’entendre. Me cacher à mon tour pour oser suivre Srul.

Mais quels pas, quelles empreintes, quelles traces suivre ?

 

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